Jeu vidéo et cinéma font rarement bon ménage, et ce malgré les évolutions de l’un et de l’autre menant vers un probable anéantissement des frontières les séparant. Need for Speed est l’exemple type de ce que le cinéma ne doit pas piocher dans le jeu vidéo, à savoir un concept axé uniquement sur le plaisir instantané du joueur impossible à retranscrire dans un média où le joueur devenu spectateur n’a plus aucune influence. Et d’autant plus lorsque le projet est confié à un réalisateur qui a déjà prouvé son incapacité à transcender un concept par le cinéma.
Need for Speed au cinéma est une idée aussi grotesque que celles ayant mené à la sortie d’aberrations telles que Super Mario Bros., Tekken ou Street Fighter. A savoir qu’il n’y a ni une ligne narrative claire à exploiter, ni un concept adaptable en tenant compte de l’impassibilité du spectateur. Concrètement, adapter des jeux de baston ou des jeux de course automobile est à peu près aussi crétin que d’adapter Tetris ou FIFA 2014. En brodant sur du vide, les scénaristes George et John Gatins (ce dernier n’étant pas un petit nouveau dans le métier) ne peuvent pas vraiment faire de miracle et accouche d’une intrigue prétexte à aligner quelques courses sauvages de façon totalement artificielle. Les petits plaisirs de la saga Need for Speed sont des plaisirs simples : admirer des belles bagnoles au tarif inabordable, faire des courses sur route ouverte et se prendre quelques décharges d’adrénaline. Le dernier point étant essentiel, c’est précisément là que le film de Scott Waugh échoue.
Là où le traitement se devait d’être un film concept articulé autour des sensations, afin de provoquer quelque chose chez le spectateur, les frères Gatins ont décidé de construire un récit prétexte particulièrement mauvais, multipliant les incohérences dans tous les sens, qui prend le pas sur les scènes de course, anecdotiques. Need for Speed devient une sorte de film de vengeance sans aucun intérêt et fondé sur du vent, à savoir une incohérence proprement grotesque, doublé d’une romance minable et d’une certaine apologie de la course sauvage. Le problème vient du fait que le propos est bête, voire inconscient, et qu’il est tout de même très étonnant dans un Hollywood post-drame de Paul Walker. Se prendre pour un pilote sur route ouverte, c’est cool. En cela, Need for Speed est à peu près aussi con que Taxi, l’humour beauf en moins, les talents gâchés en plus. Les scénaristes sont à peu près incapables de justifier ce périple de 48 heures en Mustang avec 2-3 voitures de police aux fesses, aveu d’échec terrible d’un film qui n’a rien à dire, et pire, rien à montrer. L’idée d’un run en totale liberté tout en affrontant les forces de l’ordre n’est d’ailleurs pas bien nouveau, il s’agissait du contenu de l’excellent Point limite zéro qui, à la différence de ce vulgaire téléfilm possédait un propos fort et contestataire.
Rien de tout cela dans Need for Speed, vulgaire nanar même pas drôle qui se rêve en nouveau Fast & Furious mais qui semble passer à côté de ce qui faisait tout le charme de la saga portée par Vin Diesel et Paul Walker. Il ne s’agissait pas des courses en elle-mêmes mais de la notion de groupe, de famille. Ici, Scott Waugh sert une soupe franchement indigeste qui, en plus d’une intrigue risible et inconséquente, s’appuie sur des personnages inconsistants, ne bénéficiant d’aucun effort d’écriture. Si Need for Speed réussissait le pari du shoot d’adrénaline transformé en film, cela ne poserait pas de problème, sauf que le film cherche à jouer sur une corde émotionnelle complètement artificielle. Évidemment, cela ne fonctionne jamais, qu’il s’agisse du parcours lié à la vengeance ou de la vague bluette construite sur rien. Que reste-t-il alors de cette succession de mauvaises idées ? Pas grand chose.
Le pauvre Aaron Paul, en plein travail pour bâtir sa carrière post-Breaking Bad, n’apporte aucune matière à un rôle sous-écrit et n’a pas d’autre choix que de rejouer, parfois, quelques éléments de Jesse Pinkman. A ses côtés, Imogen Poots est transparente dans un énième personnage de femme faible (et qui ne sait pas conduire, c’est très important), Dominic Cooper continue de se construire une carrière faite de personnages ridicules tenant uniquement du cliché ringard, tandis que Michael Keaton, qui doit avoir quelques ardoises à effacer, apparait dans un rôle factice tenant presque de la pièce rapportée, sans aucun intérêt mais surtout d’un ridicule embarrassant. Dans cette entreprise mercantile qui se vanterait de faire renaître l’esprit des films de poursuite des années 60 et 70, mais qui n’arrive à la cheville du pire de ces représentants d’un genre qui n’a plus rien à dire dans une société contemporaine, Ne reste qu’un élément pour se consoler : les courses. Sauf que là non plus, ce n’est pas la joie. Filmées comme des séquences mollassonnes d’Auto Moto, répétant inexorablement les mêmes cadres et mêmes mouvements de caméra, il ne s’en dégage aucune identité. Mais pire, il ne s’en dégage aucune énergie, aucune puissance, et donc aucune espèce de sensation pour le spectateur. Need for Speed est un film un peu triste, notamment pour Aaron Paul, une série B débile qui ne méritait pas mieux qu’une sortie confidentielle en DTV. Pour admirer des bolides filmés avec tout l’amour qu’ils méritent, autant regarder un épisode de Top Gear car, en plus, cela ne dure pas deux longues heures remplies de vent.