Si Luc Besson a pu être un excellent metteur en scène par le passé, il n’a jamais été un très bon scénariste. Il persiste pourtant à écrire des films qu’il va produire, dans ce qui ressemble de plus en plus à une caricature de son propre système. Avec 3 Days to Kill, il offre un premier rôle presque inespéré à un Kevin Costner revenu des limbes hollywoodiennes, mais un rôle tout à fait indigne de son immense talent, tout en affirmant le côté mercenaire et yes man de McG qui remballe son style pour livrer un film totalement aseptisé.
Un héros taciturne, de préférence sur le retour, une opposition entre la femme classe et rangée et la femme vulgaire au possible et manipulatrice, des méchants très méchants et très étrangers, des Audi, des Peugeot, des flics ridiculisés avec toute la grossièreté possible, une intrigue qui tient sur un timbre-poste et des émotions tellement surlignées qu’elles n’existent plus. Le tout saupoudré d’un humour beauf, de running gags débiles et de scènes d’actions torchées à la va vite. Voilà la recette du thriller d’action made in EuropaCorp et qui n’évolue pas d’un pouce d’un film à l’autre. Et 3 Days to Kill ne fait pas exception à cette règle bien établie depuis maintenant plus de 15 ans, soit la sortie du premier Taxi puis du Transporteur. La différence notable est que maintenant, plutôt que de faire appel à des talents maison formés à l’écurie Besson, des réalisateurs déjà installés sont appelés à la rescousse.
Cette fois, c’est McG, réalisateur capable de vrais coups d’éclat (Charlie’s Angels et sa suite, petits morceaux de folie décomplexée sur pellicule) et qui semble ne s’être jamais vraiment relevé d’un projet mastodonte tel que son Terminator Renaissance. 3 Days to Kill ne ressemble en rien à un film de McG mais vient s’introduire sans grande difficulté dans le carcan très précis de la production EuropaCorp décri ci-dessus. Il met son style sous psychotropes en veille et tente de se réapproprier une grammaire visuelle qui n’est pas la sienne, entre académisme pantouflard et vieille modernité anachronique. L’aspect plus que positif de tout cela est que 3 Days to Kill ne ressemble pas à cette bouillie informe et illisible qu’était Taken 2. Il s’agit d’un film sans aucun style ni identité, mais un film qui reste assez propre dans sa mise en scène, sans grandes fioritures, sans excès de zèle, sans effets inadéquats mais clairement sans coup de génie. D’ailleurs, il s’agit d’un film plutôt mou, avare en action, si ce n’est la poursuite en bagnoles obligatoire et filmée sans aucune originalité ni véritable attention prêtée à la cohérence visuelle, et quelques tentatives de gunfights mollassons. Le choix de Kevin Costner est logique avec cette rythmique en perspective étant donné qu’il n’a pas la carrure de l’action hero.
McG tente de le filmer comme Pierre Morel filmait Liam Neeson, il en reprend d’ailleurs un certain phrasé ainsi que certaines postures. Pourtant 3 Days to Kill n’est pas vraiment le remake de Taken auquel il ressemblait de loin. La mission n’est plus vraiment la même, il ne s’agit plus de sauver la prunelle des yeux du héros et cet aspect finit par manquer cruellement au récit. Car il ne s’agit ici que de la survie du personnage de Kevin Costner, un élément gentiment surréaliste, tandis que toute la partie émotionnelle du récit vient se greffer assez maladroitement avec cet homme qui tente de reprendre une place de père qu’il avait délaissée pour son travail. En résulte un film bicéphale, avec d’un côté un thriller mal rythmé ne trouvant jamais son tempo et avançant sans aucune surprise, dans un ensemble post-24 heures chrono qui semble déjà ringard (enchainement de séquences sans grande logique narrative parfois, recours à la torture comme moteur de l’intrigue…).
Et de l’autre côté un film pensé comme une sorte de drame familial avec une structure familiale en pleine reconstruction, autour d’un motif on ne peut plus classique de la relation père/fille. Sans grande surprise, avec des acteurs du calibre de Kevin Costner et Hailee Steinfeld, la relation fonctionne, et ce malgré une écriture extrêmement faiblarde. Rien de surprenant, le film est en pilote automatique et le final ne laisse aucun place à une quelconque forme de surprise. Pour y arriver, la notion même de finesse est bien entendu mise entre parenthèse pour un festival de vulgarité (toutes les scène d’Amber Heard transpirent le mauvais goût) et d’humour beauf (le running gag nullissime de la sonnerie de portable ou celui du vélo violet) qui semble franchement paradoxal face à la pauvre avalanche de sentimentalisme de bas étage. Au final, 3 Days to Kill est un film un peu triste. Triste car un acteur du calibre de Kevin Costner s’y fourvoie et ne va pas beaucoup plus loin que le statut de prête-nom, même si son charisme naturel et son immense talent d’acteur font flotter l’illusion qu’il est vraiment impliqué dans ce tout petit film. Triste car McG n’y est qu’un vulgaire faiseur incapable d’apporter la moindre identité au film, allant jusqu’à piller le cinéma de Michael Mann sans en saisir les règles fondamentales. Triste enfin car il est symptomatique d’un système qui ne fait que recycler de vieilles recettes qui ne fonctionnent plus, qu’il existe en France un studio capable de faire appel à des acteurs de calibre international, et pas les pires, mais pour leur servir une soupe insipide qui vient ajouter une tâche indélébile à une carrière qui n’en avait pas besoin. Alors oui, cela fait plaisir de retrouver Kevin Costner, génie presque banni de son royaume, en tête d’affiche. Mais dans de telles conditions, quel tragique gâchis.