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Basic (John McTiernan, 2003)

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Dernier film en date du génial John McTiernan, Basic reste pourtant un film assez méconnu du grand public malgré sa nature profondément ludique. En effet, en pleine période obsessionnelle, voire carrément paranoïaque sur la manipulation au cinéma devant et derrière la caméra, le réalisateur de Piège de cristal livrait un pur exercice manipulatoire brillamment mis en scène, questionnant en permanence la notion d’apparence, et donc de réel.

basic 3 Basic (John McTiernan, 2003)Basic est un film globalement haï par les scénaristes de profession. La faute à son intrigue alambiquée multipliant les points de vue et les négations sur un évènement central du script, façon Rashomon, menant de façon parfois à la limite de la logique à un twist final impossible à voir venir. Il faut dire qu’après les déconvenues de son précédent film, Rollerball, projet formidable torpillé de toutes parts par les exécutifs, John McTiernan avait besoin d’un projet qui soit à la fois ludique, décalé et qui contienne en sous-terrain son regard de plus en plus désabusé sur le système dans lequel il évoluait une dernière fois. Toujours enclin à donner les clés de son cinéma, John McTiernan ne s’est jamais caché de la nature profondément manipulatoire de son dernier film, au-delà de la simple succession de twists de son script. Mais une fois de plus avec McT, son film ne tient pas nécessairement de l’évidence.

basic 2 Basic (John McTiernan, 2003)

Une des prouesses assez géniales de Basic est qu’il s’agit d’un film qui aura réussi à tromper tout le monde, jusqu’à l’ensemble de ses distributeurs à travers le monde. En effet, exception faite du Mexique, du Japon, de la Chine et de l’Argentine, toute la communication autour du film vendant une nouvelle œuvre très masculine, comme un énième film d’action hérité des 90′s, a largement occulté l’image de Connie Nielsen. Mais au-delà du fait que John Travolta et Samuel L. Jackson ont sans doute une image plus « vendeuse » au niveau du grand public, surtout dans l’optique de vendre un film badass avec des marines dedans, des fusillades dans la jungle et des joutes verbales pleines de testostérone, c’est que le dispositif mis en scène par John McTiernan pour une nouvelle fois détourner le regard, fonctionne à merveille. C’est l’écran de fumée permis par un script presque surréaliste tant il empile les strates de perception du réel, pensé pour littéralement perdre le spectateur et lui masquer le véritable cœur du film, à moins de le vivre en laissant son esprit voguer hors du cadre prédéfini, qui constitue un tour de force. L’intrigue tissée par place en plein cadre les évènements ayant eu lieu pendant la session d’entraînement du groupe de marines, réinventés au fur et à mesure des interventions des personnages interrogés, jusqu’à créer une confusion totale. Qui a tué qui ? Pourquoi ? L’expérience de spectateur logique le pousse à se poser ces questions et à remettre logiquement en cause l’arrivée de la conclusion.

basic 4 Basic (John McTiernan, 2003)Pourtant, ces considérations ne s’appliquent pas à l’intrigue véritable d’un film de John McTiernan, qui apprécie par dessus tout jouer avec les conventions et les attentes. Le cœur de Basic, c’est Osborne, le personnage incarné par Connie Nielsen. Sauf que cet angle défie à la fois la logique et les habitudes du spectateur. En effet, tout désigne John Travolta comme le héros du film, de sa présentation à la façon dont il est filmé, déclinaison de l’anti-héros cool très masculin. Le tour de passe-passe s’opère subtilement dans l’écriture du personnage d’Osborne qui est le seul à bénéficier d’une véritable évolution. D’officier désavouée, elle devient une enquêtrice hors pair grâce à qui toute la lumière sera faite sur les méandres de l’intrigue de façade. Et si John McTiernan reste un des plus brillants metteurs en scène de notre époque, c’est qu’il met toute sa science au profit de personnages solides faisant bien plus que d’aller d’un point A à un point B, ou de simplement se fondre dans le décor d’un script.

basic 1 Basic (John McTiernan, 2003)

D’ailleurs, plus encore que son simple personnage, c’est sa relation avec Hardy qui devient le centre d’intérêt de tout le film. Moins frontalement que dans Thomas Crown, mais de façon tout aussi originale, John McTiernan met en place un étrange jeu de séduction fait d’affrontements musclés. Le réalisateur l’a dit et l’a répété, Basic est pour lui, avant tout, une romance. Ce raisonnement est tout à fait logique dans la mesure où toute la structure du film met en avant le fait que les apparences sont trompeuses, et que comme le démontre le casse-tête des 9 points à relier d’un seul trait, le cinéma est fait pour sortir du cadre. C’est toute une philosophie de cinéma qui déborde de Basic, et qui en fait bien plus qu’un simple et inintéressant empilage de twists plus ou moins cohérents. Un sujet fort, une cheminement initiatique, s’y cache de façon très habile. Preuve que John McTiernan maîtrise totalement son sujet. A savoir qu’il est tout à fait capable de proposer un récit totalement déstructuré, exercice de style hautement jubilatoire dès lors que le spectateur se prend au jeu de la perte de contrôle. Mais qu’il utilise ce canevas pour aller bien plus loin et faire passer quelque chose de tout à fait cohérent sur l’émancipation d’un personnage au sein d’un univers fait de règles extrêmement strictes tel que celui de l’armée. Et qu’importe que ce personnage soit masculin ou féminin. Le fait qu’il se penche sur un personnage féminin prouve ici un regard tout à fait égalitaire et hors du carcan hollywoodien de base. Le seul risque, et c’est ce qui contribua à une réception du film plutôt désastreuse, est qu’à miser sur l’intelligence du spectateur pour voir au-delà des apparences il se retrouve dans la ligne de mire des moins intelligents incapables de voir plus loin que le bout de leur nez.

basic 5 Basic (John McTiernan, 2003)Tout est affaire de nuances dans Basic. Nuances dans le propos, qui permettent de déstabiliser le public en construisant des personnages qui ne sont pas ce qu’ils semblent être, et ainsi d’établir une relation au final extrêmement forte entre John Travolta et Connie Nielsen. En effet, si elle évolue considérablement et prend conscience de ses capacités professionnelles, lui se retrouve éclairé sous un tout nouveau jour au fur et à mesure des révélations, et sort ainsi des motifs classiques du thriller ou de la romance. Par ailleurs, le film constitue également une charge virulente envers l’armée et ses tendances à la corruption, aux abus en tous genres et à sa propension à étouffer toutes les affaires ou à briser ses éléments féminins en les dégradant le plus possible. Le tout bénéficie autant de la mise en scène virtuose de John McTiernan qui s’exprime autant dans les séquences « d’action » dans la jungle, avec cette gestion incroyable de l’espace, que dans les séquences plus intimes articulées autour de dialogues et de regards, dans des espaces confinés. Basic est d’ailleurs essentiellement un film d’intérieur, ce qui pousse le réalisateur à se réinventer au niveau de sa mise en scène. Mais le film bénéficie également d’une direction d’acteurs exemplaire et du talent du trio principal. L’alchimie entre John Travolta et Connie Nielsen est tout à fait palpable, tout comme celle entre chaque personnage et celui de Samuel L. Jackson bien que ce dernier soit généralement à distance. Mais Basic c’est également un sens du tempo qui impressionne et fait du film, en marge de ses petites faiblesses, une sorte de petit modèle du genre.


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