Visiblement pas échaudés par la triste expérience des comédiens du Splendid avec le calamiteux Les Bronzés 3, qui répondait plus ou moins à la même logique de fabrication, Les Inconnus reprennent leurs rôles des 3 frères près de 20 ans après le premier film. Et s’ils se sont sans doute amusés comme des fous, le résultat est d’une tristesse assez terrible.
Suite à leur imbroglio avec leur producteur de l’époque, Les Inconnus s’étaient séparés juste après Les 3 frères, pour se reformer en 2001 avec Les Rois mages. Un peu plus d’une dizaine d’années de carrières solos plus ou moins intéressantes et les voici donc de retour dans le bien nommé Les 3 frères, le retour, suite de ce qui restera comme une des comédies françaises les plus efficaces des années 90. Un retour après tant d’années représente toujours un risque considérable, d’autant plus que le groupe de comiques reste intimement lié à cette décennie des années 90, à laquelle ils correspondent parfaitement. La seule solution est de se réinventer, de proposer autre chose, une comédie dans l’air du temps. Sauf que Les 3 frères, le retour est symptomatique d’auteurs qui ne sont plus du tout en phase avec leur époque et n’ont pas d’autre choix que de proposer un spectacle qui sent le réchauffé.
C’est là le cœur du problème. Les Inconnus abordent ce retour des 3 frères comme si les vingt années écoulées n’avaient pas existé. A moins qu’il n’aient fait le choix de ne s’adresser à un public qui n’a jamais vu Les 3 frères. Car tout, de l’intrigue à la mise en scène, en passant par les ressorts comiques, n’est que reprise en mode mineur de ce qui a été fait sur le premier film. La structure narrative des 3 frères, le retour est exactement la même, à la ponctuation près. Même type d’introduction, mêmes retrouvailles, mêmes personnages (y compris les secondaires qui ne sont à priori pas les mêmes), même accumulation de galères et même saillie mélo dans le dernier acte. Sauf que ça ne prend plus. Tout d’abord, les gags sentent tellement la naphtaline qu’ils ont perdu toute efficacité. Ensuite, la rythmique comique, soit le gros point fort des Inconnus à leur heure de gloire, semble avoir perdu en énergie ce que Didier Bourdon a gagné en tour de taille. Concrètement, et aussi triste que cela puisse être, la suite d’une des comédies les plus drôles produites dans ce pays, avec un nombre de répliques instantanément cultes qui dépassait la raison, est une comédie pas drôle, qui provoque au mieux deux ou trois sourires. Le retour à la réalité est amer.
Car il faut tout de même se farcir exactement les mêmes situations revisitées de façon brouillonne, à tel point qu’il est possible de se demander s’il y a eu le moindre effort d’originalité à l’écriture de ce scénario. On retrouve donc la séquence chez un notaire, celle du repas dans une famille raciste, celle de prise de drogue, celle du petit hôtel, celle des petites arnaques, et ainsi de suite. Toutes les séquences phares sont reprises en perdant tout leur mordant et toute leur puissance comique. Même l’alchimie entre Didier Bourdon, Bernard Campan et Pascal Légitimus semble s’être évaporée, leurs diverses joutes verbales n’ayant plus aucune saveur. Côté mise en scène, c’est encore d’une faiblesse et d’un manque d’originalité flagrants, avec encore cette sensation de répétition (mise en scène globalement très académique ponctuée de scènes prises sur le vif de façon artificielle).
Un autre problème flagrant, et franchement inquiétant, vient de cette volonté d’équilibrer un manque d’idées par une exploitation systématique d’une mécanique nostalgique. Cela fonctionne pendant quelques temps, car retrouver des personnages qui ont tant pu faire rire reste une satisfaction immédiate, sauf que le procédé reste trop fragile, Les Inconnus ayant bâti leur carrière sur une étonnante capacité à surprendre leur public. Ils avancent ici un peu comme des papys de l’humour qui n’ont plus rien de nouveau à apporter à la comédie et préfèrent se contenter d’un remake grossier de leur grand succès. C’est extraordinaire de je-m’en-foutisme, ringard comme cela n’est pas permis et tellement peu drôle, comme si le film était uniquement adressé à la frange la plus beauf de leur public (ils ont perdu toute lucidité au moment d’aborder des problématiques sociétales actuelles), que Les 3 frères, le retour, à la fois attendu et redouté, est une déception colossale et l’incarnation même d’une très mauvaise idée.