Avec Nicolas Winding Refn parti vers d’autres sphères, le Danemark se cherche de nouveaux talents pour rendre compte d’une certaine détresse sociale concernant sa jeunesse perdue. Voici donc Michael Noer, trop rapidement qualifié de “nouveau NWR”, dont les intentions tout à fait louables viennent s’écraser sur le mur d’influences bien trop présentes pour y voir l’émergence d’un nouveau talent. Northwest a beau proposer de belles choses, le film manque cruellement d’originalité pour y voir la naissance d’un réalisateur à suivre.
Il n’y a rien de détestable dans Northwest. Pour son deuxième film après le drame carcéral R, triplement récompensé aux Bodil Awards de 2010 (l’équivalent des césars au Danemark), le jeune Michael Noer se penche donc sur une certaine jeunesse danoise flirtant avec le crime. Le film aborde son sujet à travers un schéma extrêmement classique et qui a fait ses preuves depuis longtemps : l’odyssée criminelle de deux frères qui découvrent l’argent facile et la violence, sorte de plongée dans un enfer inévitable, une spirale destructrice. Rien de neuf, la construction reste efficace car viennent s’affronter le film de gangster et la tragédie familiale, appuyée par une vision de la cellule parentale détruite, comme pour prédestiner les protagonistes à sombrer du côté obscur. De petits larcins, le grand frère va évoluer, être pris sous l’aile d’un caïd, vivre son rêve de petit prince du crime et voler trop près du soleil jusqu’à s’y brûler les ailes. La progression dramatique de Northwest est extrêmement balisée, ne laissant aucune place à la surprise. A tel point que le final, voulu bouleversant, ne provoque pas grand chose.
Il faut tout de même reconnaître à Northwest une approche assez solide, dans la mesure où la narration reste toujours juste dans son illustration de motifs classiques. Ivresse de l’argent, putes, coke, boîtes de nuit, ancien boss n’acceptant pas les signes extérieurs de réussite de son ancien poulain devenu provocateur, formation à la violence et au meurtre, planques, poursuites, trahisons en tous genres, contrats… tout est là, très précisément. Un vrai film de gangsters en somme, ce qui reste une démarche tout à fait noble. Sauf qu’à tous ces archétypes, Michael Noer n’apporte rien pour les transcender ou en tirer quelque chose qui tiendrait du jamais vu. Il y a quelques beaux moments dans Northwest, de cette purification des corps par le feu à ce dernier plan utilisant le hors champ, même si là encore il s’agit d’artifices extrêmement classiques. La force du film vient finalement de sa sobriété, car le réalisateur ne cherche jamais l’épate mais poursuit une sorte de quête de cinéma-vérité. Et ce même s’il se laisse aller à quelques séquences pleines de style, d’une scène de défonce à la sempiternelle soirée en club. Le problème du dispositif vient du fait que Michael Noer semble vénérer Pusher de Nicolas Winding Refn, à tel point qu’il ne passe jamais vraiment le stade de la reproduction. On retrouve ainsi ce principe de la caméra à l’épaule pour une mise en scène très mobile, afin de scruter au plus près les atermoiements de ces personnages dans leur parcours infernal, qui là encore semble parfois littéralement se calquer sur Pusher.
Le seul apport de Michael Noer se situe du côté de la lumière, largement plus présente que chez Refn, bien qu’elle s’efface progressivement face aux ténèbres. Pour le reste, Northwest reste malheureusement cet archétype de film de gangsters, façon grandeur et décadence à la Scarface, mis en scène sous trop forte influence. Cela ne transforme pas l’exercice en film fondamentalement mauvais, mais le rend tout simplement anecdotique. De la même façon, les différents thèmes brassés, et en particulier le racisme virulent de certaines communautés fascisantes, bénéficient d’un traitement sommaire qui n’apporte rien de plus à ce qui a déjà été fait il y a presque vingt ans. A croire que le co-scénariste Rasmus Heisterberg (auteur de Millenium et Royal Affair) a subi une légère panne d’inspiration. Il faudra toutefois saluer un point important, le casting. En effet, les jeunes Gustav et Oscar Dyekjær Giese, frères dans la vraie vie, apportent un naturel à ces deux personnages entraînés dans une valse avec le Diable. Leur interprétation est suffisamment forte pour provoquer quelques étincelles d’émotion, effaçant alors les motifs trop rigoureux dans lesquels ils sont enfermés. Tout à fait regardable, mais pour la nouvelle sensation du cinéma danois, il faudra repasser.