Diana est évidemment un gros pari pour l’allemand Oliver Hirschbiegel. En se penchant sur la fin de vie d’une des personnalités les plus aimées de notre temps, il cherche à dynamiter un des genres les plus inintéressants du cinéma, à savoir le biopic. Et plutôt que d’en faire un film sur la vie de Lady Di, il choisit de s’intéresser à ses derniers instants, quitte à froisser tout un royaume. Le résultat est bancal, fragile, gentiment mineur, mais reste une proposition de cinéma assez courageuse, voire passionnante sur certains points.
Réaliser un film sur celle qui, seize ans après le drame du pont de l’alma, n’a pas quitté le cœur des anglais, représente une prise de risque presque irréfléchie. Une sorte de suicide public. En effet, peu importait le résultat final, qu’il soit bon ou mauvais, le peuple anglais n’acceptera jamais qu’une femme existait derrière la princesse. Il est impensable d’en écorcher l’image, de la faire descendre de son piédestal. C’est pourtant le choix d’Oliver Hirschbiegel, réalisateur qui aime les sujets à risque (La Chute et son regard sur Hitler en tête), un choix audacieux qui permet à Diana d’évoluer en marge du schéma classique et lancinant du biopic plan-plan, qui dépasse rarement le statut de l’hagiographie. Diana est un film sur une femme donc, une femme brisée, une femme amoureuse, une femme qui sera aveuglée par son besoin vital de recevoir autant d’amour qu’elle en offre. Cette façon d’aborder le personnage à travers ce qu’elle pouvait avoir de plus humain, tout en gardant précieusement un éclairage sur les coulisses de ses apparitions publiques, est une vraie proposition de narration. Le résultat a beau être parfois très maladroit, il n’en reste pas moins un exercice fascinant.
Et si le film se donne clairement des airs de soap opéra parfois à la limite du grotesque (les échos du Ne me quitte pas de Jacques Brel sont maladroits, les états d’âme de Diana pas toujours justes…), avec à la clé une poignée de séquences presque embarrassantes, c’est pourtant tout un projet de mise en scène assez fascinant qui se dévoile à l’écran. Il y a certes beaucoup de trop de maladresses dans l’ensemble pour que le projet tienne sur la longueur mais l’audace d’Oliver Hirschbiegel, osant filmer les failles de cette femme dont la pire des malédictions fut d’être devenue une personnalité publique, est à saluer. Car il ne se contente pas de livrer une mise en scène proprette et insipide, à la manière de dizaines de biopics interchangeables ne s’appuyant que sur leur sujet. Diana, dans ses plus beaux moments, deviendrait presque un thriller kafkaïen, porté par un sens de la mise en scène et du découpage qui cherche à aller au-delà du personnage public, pour capter l’âme désorientée d’une femme. A ce titre, cet étrange travelling arrière qui vient conclure le plan séquence d’ouverture contient tous les enjeux du dispositif : filmer la peur du regard tout en gardant un œil et le contrôle sur la caméra, à savoir le témoin. A travers cette séquence, créant un malaise évident sur le spectateur qui se retrouve tout à coup confronté à sa position de voyeur, Oliver Hirschbiegel touche à quelque chose de passionnant. Même si malheureusement, il peine à trouver un équilibre entre ces moments de pur suspense, le drame et une forme pas très fine de comédie romantique. C’est ce traitement polymorphe qui peut gêner, car il ne s’agit en rien d’un biopic classique à la gloire éternelle de l’icône, mais son utilisation pour livrer un discours bien plus large sur la célébrité et le jeu pervers qu’elle peut entraîner.
Tout n’y est finalement que manipulation. Manipulation des multiples personnages, qui ne sont jamais ceux attendus étant donné le sujet, mais également manipulation de l’œil du spectateur, victime consentante de l’opération menée par Oliver Hirschbiegel. Ce qu’il capte de plus élégant est cette frontière impalpable entre la peur de tout, Diana développant une phobie de l’autre, et l’espoir de pouvoir un jour échapper à cette destinée qui l’a quittée et a fini par la briser. Diana se montre parfois très beau dans la composition de son histoire d’amour impossible, révélant des éléments tragiques dans la mesure où ils assurent un fin éprouvante à cette héroïne. Il y a énormément d’éléments dans le dispositif de mise en scène qui témoignent d’une volonté de porter un regard inédit sur ce type de personnage, de l’isoler, de le manipuler, d’en faire non plus une femme mais déjà un fantôme. Dommage dès lors que le récit global manque cruellement de souffle, qu’il ne se montre pas à la hauteur de l’ampleur du personnage en ne caressant que l’intime, et qu’il sombre parfois dans un ridicule agaçant. Il est délicat de jongler entre deux approches aussi radicalement opposées, avec d’un côté le soap dans ce qu’il peut avoir de plus détestable et dégoulinant, et de l’autre un thriller qui exploite la caméra comme outil voyeuriste, lui donnant une véritable consistance. Dommage également que Naomi Watts se contente d’essayer de singer feu Lady Diana plutôt que de composer une interprétation, et que Naveen Andrews se montre si inconsistant. Mais toutes ces grosses maladresses ne sont finalement que le fruit d’un projet sans doute trop audacieux, qui reste tout de même à saluer pour son approche sortant largement des sentiers battus.