Après 20 ans passés dans le cocon de la comédie, dans lequel il s’est imposé comme le plus brillant des artisans français, Michel Hazanavicius tente une nouvelle aventure bien plus sérieuse avec The Search, relecture du classique Les Anges marqués de Fred Zinnemann et transposé pendant la seconde guerre de Tchétchénie à l’aube des années 2000. Présenté en compétition au Festival de Cannes, le film est une vraie déception malgré des tours de force indéniables.
Michel Hazanavicius, en plus d’être un metteur en scène extrêmement talentueux et intelligent, est un type courageux qui ose s’aventurer hors de sa zone de confort en signant cette fois un pur mélodrame complètement ancré dans un réel bien tragique, et se frotte à un genre qui a déjà tout dit à de si nombreuses reprises : le film de guerre. L’exercice de The Search est hautement casse-gueule avec sa volonté de faire se côtoyer, dans un ensemble nécessitant énormément de subtilité pour fonctionner, le grand drame spectaculaire, un propos historique fort et un discours bien plus intime sur la maternité. Et tout cela en adoptant une structure chorale façon Guillermo Arriaga qui pose de vrais problèmes tant les trois « segments » ne sont pas au même niveau. L’ambition est là, les idées également, mais c’est l’exécution qui pêche et c’est vraiment dommage.
The Search est une œuvre déséquilibrée, presque malade, dans laquelle les velléités de son auteur viennent se catapulter. Des trois parties, seule celle avec le jeune militaire est vraiment réussie. On y sent bien sur, parfois un peu trop, l’influence des figures tutélaires que sont Full Metal Jacket et Requiem pour un massacre, le visage de cet acteur et certains plans cadrés sur son visage en longue focale, rappelant énormément le chef d’œuvre intemporel d’Elem Klimov. Mais c’est dans cette partie qui ne souffre pas de dialogues frisant l’indigence des autres parties, avec ses silences et cette violence froide, avec cette volonté de capter les éléments qui vont briser un adolescent et le transformer en monstre, que tout le talent de filmeur et de conteur de Michel Hazanavicius brille de mille feux. Bien aidé il est vrai par la prestation viscérale de Maksim Emelyanov, le réalisateur y sort de véritables tours de force de mise en scène immersive au possible, toujours lisible, toujours logique par rapport à son propos. Et si tout cela n’apporte rien de bien nouveau en terme de discours sur la guerre (c’est mal, ça détruit les jeunes garçons qui s’y retrouvent, ça brise des familles), c’est suffisamment bien exécuté pour emporter l’adhésion. Les vrais problèmes se situent dans les deux autres parties, avec d’un côté la grande sœur d’une famille devenue la figure tutélaire suite au drame de la séquence d’ouverture (très efficace, shootée en vidéo), et de l’autre cette femme qui travaille pour les droits de l’homme et cherche à faire entendre sa voie. Des personnages pas trop mal écrits mais pas toujours bien interprétés, en particulier du côté de Bérénice Bejo qui ressemble à une grosse erreur de casting.
La faute autant à son interprétation gentiment insipide qu’à des dialogues qui passent à plusieurs reprises la frontière du ridicule. Ce segment ne fonctionnant pas, l’alchimie entre l’actrice et le jeune Abdul Khalim Mamutsiev, pourtant très bon, non plus, tout le propos que The Search tente de développer autour de la maternité, de l’instinct maternel, des responsabilité que ce dernier induit, ne fonctionne pas non plus. Ainsi, une bonne partie des scènes ne servent pas à grand chose, si ce n’est à remplir un fil narratif déjà très chargé et souffrant d’une durée excessive. Avec 2h40 au compteur, The Search aurait bien mérité un nouveau passage sur le banc de montage afin de gagner en fluidité. Mais cela n’aurait pas gommé des défauts très agaçants et notamment ce manque de subtilité global qui fait que le film, s’il est parfois superbe, se montre surtout très lourd, répétant inlassablement des éléments qui sont pourtant assimilés dès la première fois. Le résultat est sans appel, The Search est un mélodrame qui manque cruellement d’émotion, soit le pire qui pouvait lui arriver. Reste que Michel Hazanavicius reste un metteur en scène extrêmement solide, mais qui rate, dans les grandes largeurs, sa transformation en réalisateur d’épopées classiques.