Après avoir été célébré unanimement comme un des grands espoirs du cinéma d’auteur français avec son court métrage Un Monde sans femmes, Guillaume Brac passe au format long avec Tonnerre. Avec son affiche calquée sur celle de Fargo, son acteur fétiche Vincent Macaigne et son aura plutôt positive suite à sa présentation à Locarno, Tonnerre n’est pourtant qu’une énième variation autour de thèmes faisandés, sans vision forte et sans la moindre audace.
Plutôt que de se gratter la tête sur les raisons économiques qui font que le cinéma français ne se porte pas si bien, les têtes pensantes devraient peut-être se tourner vers un énorme problème du côté des auteurs. Car si notre cinéma d’auteur fut un jour riche de talents, il est aujourd’hui, et depuis bien trop longtemps, handicapé par des motifs qui reviennent en permanence, des personnages qui n’ont plus rien à apporter, et des récits manquant cruellement d’ambition. C’est très précisément le cas de Tonnerre, et sa célébration par la critique n’arrangera visiblement pas les choses. Film sur la non-action centré sur un personnage jamais attachant, Tonnerre rabâche une nouvelle fois la figure de l’artiste parisien en crise, qui pour s’en sortir – à savoir qu’il cherche à trouver de l’inspiration et à faire en même temps le ménage dans sa vie – va revenir faire un petit séjour dans sa ville natale.
Cette fois c’est Vincent Macaigne et sa dégaine pouilleuse qui rentre chez son père incarné par Bernard Menez, l’acteur de Tendrement vache, La Frisée aux lardons ou Ils sont fous ces normands, mais dont il serait de bon ton de ne retenir que ses deux prestations chez Jacques Rozier. Tonnerre c’est donc l’histoire de ce pauvre type qui, en retournant à ses racines, va rencontrer l’amour, puis le perdre, puis être tout triste, puis en colère, puis qui va être consolé par son père et se rendre compte que tous les deux ne sont pas si différents, et qui va donc ne plus être trop en colère. Voilà pour le canevas très audacieux de ce récit vu 1000 fois. Le décore change, car c’est cette fois la petite ville de Tonnerre dans l’Yonne, qui, fruit du hasard ou de conditions climatiques et sociales difficiles, regorge de personnages encore plus dépressifs que le “héros”. Tout l’aspect drame romantique est raté, simplement car la composition de Vincent Macaigne et son inexpression ne rendent jamais le personnage attachant.
La sanction est immédiate : le fait qu’il souffre visiblement n’affecte jamais le spectateur. Une fois de plus, le manque de naturel du jeu français, toujours aussi paradoxal vis-à-vis de la recherche du réel dans la mise en scène, fait des ravages. Impossible de voir des personnages à l’écran, simplement des acteurs, et l’empathie est nulle. Difficile également d’être touché par le rapprochement opéré entre un père et son fils. Car ici, outre le jeu franchement théâtral des comédiens, c’est un récit cousu de fil blanc qui ruine tout. Sans parler de la franche misogynie qui émane de tous les personnages féminins, caricatures ambulantes de provinciales soumises. D’autant plus que l’absence de beauté semble être un cheval de bataille pour Guillaume Brac, qui l’évite soigneusement, et qu’il s’agisse du physique de ses acteurs, de leur caractérisation, ou de sa mise en scène qui ne véhicule pas la moindre émotion. Guillaume Brac est bien plus dans la captation que dans la mise en scène, mais ne possède ni les acteurs ni le récit pour transcender cette mise en images transparente, qui bien que caméra à l’épaule ne véhicule aucune énergie.
Le plus agaçant dans tout ça reste le virage vers le thriller qu’il tente d’amorcer en faisant totalement disparaitre du cadre un personnage. Il cherche par tous les moyens à faire naître un mystère qui s’évapore presque immédiatement, ne lui laissant plus que son personnage pathétique à filmer lors de sa nouvelle chute. Impossible de croire à un quelconque basculement dans la folie, malgré le physique presque inquiétant de Vincent Macaigne. Basculement qui n’arrivera jamais, Tonnerre jouant tout le long sur le même accord. Un film ni beau, ni émouvant ni drôle, articulé autour d’une intrigue convenue et sans la moindre surprise. Il faudra se contenter d’étranges moments de malaise et de scènes du quotidien, de dialogues souvent imbuvables et de Bernard Menez et Vincent Macaigne qui se bourrent la gueule et font du vélo ensemble, symbole d’une réconciliation père-fils, dans un film à peu près aussi vide que les rues que scrutent les plans fixes qui lui servent d’ouverture.